Témoignage de l’abeille
Le respect et la sympathie dont bénéficie unanimement l’abeille à miel (Apis Mellifera) dans toutes les régions du monde et parmi toutes les classes sociales sont un vestige du regard sage des Anciens pour qui le monde naturel n’était pas seulement une source de profit financier mais l’opportunité d’une contemplation de l’ordre du monde et des lois universelles. L’abeille, symbole de résurrection printanière, productrice d’un aliment sucré riche et sain, accomplissant ses travaux avec noblesse et pureté, devient par l’excellence l’animal confirmant l’adage : Plus nos rapports sont intimes avec la nature, plus nous sommes proches du surnaturel (Henri de Montherlant).
Plus que tout autre élevage, l’apiculture pousse à être attentif à l’impact de notre activité sur l’environnement. Car contrairement à l’élevage de moutons ou de vaches, l’abeille à miel, à mi-chemin entre la domestication et l’état sauvage, est apprivoisée pour être enrucher. L’éleveur ne pouvant contrôler les échanges génétiques entre ses abeilles et celles de l’extérieur, l'évolution de leur activité et de leur santé futures influencent et sont influencées directement par leur environnement. Et même si l’apiculteur leur garantit un endroit protégé, les nourrit, les soigne si besoin, une colonie sera toujours libre de quitter la ruche et de survivre sans l’Homme, à condition qu’elle soit issue d’une souche pas rendue trop dépendante au nourrissement artificiel et aux traitements… il s’agît (ou il doit s’agir) toujours d’un animal sauvage avec lequel une coopération est mise en place.
Parce qu’elle représente une interface privilégiée entre l’Homme et le reste du monde vivant, qu’elle pollinise les fleurs environnantes en s’en nourissant, et qu’elle échange en permanence avec le monde sauvage, l’équilibre et la santé de l’abeille deviennent le témoin de l’état de la biodiversité et les sentinelles de l'environnement.
Sauver les abeilles ?
Considérer que multiplier les ruches d’abeilles Apis Mellifera contribuera à sauvegarder la biodiversité peut être en partie vraie (à la condition d’une conduite responsable et paysanne du rucher -voir ci-dessous- car cela peut même produire l’inverse) mais revient surtout à maquiller un symptôme plutôt qu’à soigner les causes réelles de l’effondrement massif et généralisé des espèces animales et végétales. Nous connaissons les causes: sur-industrialisation, surexploitation des sols, surutilisation de pesticides dont nous ne pouvons prévoir les effets, le tout alimenté par une surconsommation individuelle générale.
Je n’installe donc pas des ruches pour “sauver les abeilles” mais pour que tout un chacun puisse se nourrir d’un miel de qualité fruit de son terroir et produit en partenariat avec la nature. En revanche nous pouvons préserver la biodiversité (dont fait partie l’abeille) en préservant les milieux sauvages, en semant des fleurs et en plantant des arbres, en remettant en question nos modes de consommation par une introspection personnelle. Car le problème des abeilles n’est pas dans leur nombre (il y a beaucoup d’apiculteurs en France et tous savent les faire se reproduire), mais dans la disponibilité de leur nourriture en quantité et en qualité.